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Travailler avec un trouble du spectre de l’autisme : mode d’emploi

 

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Le 2 avril a lieu la journée mondiale de sensibilisation à l’autisme : cette date marque également le début de la semaine de l’autisme, durant laquelle plusieurs collectifs et associations de personnes concernées mènent des actions de sensibilisation au trouble du spectre autistique (TSA). Cette année, en tant que contributrice à la communication de The Allyance et personne concernée par le TSA sans déficience intellectuelle (anciennement syndrome d’Asperger), j’ai souhaité écrire sur l’autisme et le monde du travail. Durant mon expérience, j’ai souvent pu constater le manque de connaissances des employeurs sur le TSA et le fonctionnement des personnes concernées en relation avec le monde du travail. Pourtant, c’est un aspect fondamental de la D&I.

Avant toute chose, je tiens à avertir les lecteur·ices que je vais raconter ici mon expérience. Si vous avez reçu un diagnostic TSA ou que vous êtes en questionnement, il est possible que vous ne vous retrouviez pas dans mes propos. Cela n’affecte en aucun cas la légitimité de votre diagnostic ou de vos interrogations. Chaque parcours comporte ses singularités. Par ailleurs, les statistiques sur lesquelles je vais m’appuyer sont à prendre avec précaution : les ressources sur le TSA et les troubles neuro-développementaux (TND) sont fragiles, tout particulièrement en France.

La prévalence de l’autisme dans la population mondiale est estimée à 1%. En France, les chiffres sur l’activité professionnelle en milieu ordinaire des personnes TSA varient entre 0,5% et 20%. S’il est difficile d’être plus précis en la matière, c’est que le TSA est souvent invisible et donc non-diagnostiqué, et ce tout particulièrement chez les femmes cisgenres. Mon cas est un bon exemple, puisqu’après une trentaine d’années d’errance chez une dizaine de psychologues et psychiatres, j’ai enfin été diagnostiquée la veille de mes 31 ans, en 2023. En cause notamment, les représentations caricaturales de l’autisme, que l’on associe la plupart du temps à des petits génies (souvent des garçons) peu loquaces fascinés par les plans de métro. Par ailleurs, certain·es soignant·es refusent de croire que le TSA existe, surtout chez les femmes, et ont tendance à rejeter l’idée.

Everything’s Gonna Be Okay, série de Josh Thomas, 2020-2021
Le personnage de Matilda est joué par Kayla Cromer, actrice autiste et TDAH

Pourtant, sur sante.gouv.fr, on trouve une bonne définition du TSA : ”L’autisme se manifeste par des troubles de la communication, des intérêts ou activités obsessionnels, des comportements à caractère répétitif, ainsi qu’une forte résistance au changement. Cela s’accompagne souvent d’hyper ou hypo-sensibilités sensorielles aux sons, lumière, couleurs, toucher… Tous ces signes s’expriment avec des intensités variables. L’autisme est souvent associé à d’autres troubles (épilepsie, hyperactivité, déficience intellectuelle, troubles du sommeil, troubles alimentaires…).” 

En lisant cela, il apparaît clairement que le monde du travail peut représenter un défi pour les personnes TSA. Du fait des spécificités, aussi appelées traits autistiques et de leur incompatibilité supposée avec l’environnement professionnel, les personnes autistes travaillant en milieu ordinaire rencontrent des difficultés au quotidien. Dans mon cas, l’adaptation constante à cet univers qui m’a toujours semblé incompréhensible me demande des efforts surhumains, entraînant une fatigue chronique, mais aussi des incompréhensions pouvant mener à des conflits interpersonnels. Cette accumulation peut entraîner une surcharge, puis une incapacité à effectuer les tâches qui m’incombent. Dans le TSA, la surcharge peut prendre différentes formes : le meltdown ou explosion, le shutdown ou effondrement, menant parfois à ce que l’on appelle le burnout autistique, souvent confondu avec le burnout professionnel. Ces crises, d’une durée variable entre quelques heures et quelques mois, constituent un véritable point de bascule dans le quotidien d’une personne autiste, et peuvent nécessiter un arrêt de travail ainsi qu’un traitement médicamenteux, comme cela a été mon cas.

N’étant pas diagnostiquée au début de ma vie professionnelle, j’ai vécu un profond mal-être, sachant au fond de moi que j’étais différente sans que personne ne puisse me le confirmer. Je me sentais incapable de comprendre et encore moins d’intégrer les codes sociaux qui paraissaient évidents pour les autres, si bien que je me suis isolée afin d’éviter les échanges. Après quelques expériences pénibles, j’en suis venue à me dire que je ne pourrais plus jamais travailler du fait de mon inadaptation.

Malgré tout, et je l’ai compris récemment, le travail constitue un rythme, une routine, élément essentiel dans la vie d’une personne autiste, qui, souvenez-vous, aime la répétition et déteste le changement. À l’époque, ne sachant pas encore cela, j’ai tout de même cherché un emploi à temps partiel, pensant que la solution pouvait se trouver dans une réduction du temps de travail. La bonne nouvelle, c’est que c’est le cas !

En effet, ce poste à temps partiel aux responsabilités minimales dans une entreprise très flexible m’a permis de trouver un bel équilibre. Ma fatigue chronique s’est peu à peu atténuée, et j’ai pu développer mes intérêts restreints et mes routines en dehors du travail. Si le cadre était favorable à mon bien-être, les difficultés rencontrées lors de mes expériences passées subsistaient. L’implicite inhérent au monde du travail reste pour moi indéchiffrable, tout comme les codes liés à la hiérarchie en entreprise, rendant la communication avec certain·es collègues très difficiles, voire conflictuelles. Heureusement, étant libre de porter un casque à réduction de bruit durant mes heures de travail, j’ai pu atténuer les conséquences délétères sur ma santé mentale de ces incompréhensions en construisant ma bulle de spécificité.

La différence invisible, Mademoiselle Caroline & Julie Dachez

Suite à un effondrement autistique plutôt musclé, et sur les conseils de ma psychiatre, j’ai obtenu une Reconnaissance en qualité de travailleuse handicapée (RQTH), qui a constitué pour moi une base pour négocier les aménagements nécessaires à mon maintien dans l’emploi ainsi qu’à ma stabilité mentale. En démarrant ces négociations, j’ai compris une chose essentielle : le handicap invisible est un non-sujet. Ce qui ne se voit pas ne doit pas venir troubler l’entreprise et son fonctionnement habituel. L’ironie, c’est que les aménagements nécessaires aux personnes concernées par des TND n’engendrent généralement aucun coût pour l’entreprise. Dans mon cas, il s’agissait surtout d’un planning fixe de télétravail et de la possibilité de porter mon casque toute la journée dans l’open space.

C’est à ce moment précis que l’idée de cet article m’est venue. Il faut que les entreprises se saisissent de ces sujets, qu’elles soient sensibilisées aux problématiques professionnelles des personnes TSA, mais aussi des répercussions des troubles psychiques en général sur les conditions de travail. Pour ce faire, je trouve primordial d’écouter la voix, de lire la plume des personnes concernées, qui connaissent leurs spécificités mieux que quiconque. 

Si je ne considère pas être dotée de super-pouvoirs, je sais que certains de mes traits autistiques constituent des qualités recherchées dans le monde professionnel. Dans un contexte favorable, je peux me révéler extrêmement organisée, concentrée, sociable, avec un sens très aigu de l’analyse et une authenticité précieuse dans mes échanges avec autrui. Comme je l’ai mentionné, ces qualités peuvent se déployer harmonieusement si le cadre est propice et organisé de manière bienveillante, dans le dialogue et la bienveillance quant aux aménagements à mettre en place.

À un employeur qui se pose des questions sur la neuroatypie et sa compatibilité avec les objectifs de l’entreprise, je conseillerais de se renseigner, mais surtout de manifester son ouverture à ces sujets ainsi qu’à la mise en place d’aménagements. En effet, donner l’information de son trouble neuro-développemental à son employeur n’est pas toujours chose facile, car le risque de discrimination ou de discréditation pèse très lourd dans la balance. C’est à cela que sert la semaine de l’autisme : créer un cercle vertueux. Plus on en parlera, moins on aura peur d’en parler. La sensibilisation, c’est le début de la fin des discriminations !

Je remercie Caroline pour cette merveilleuse tribune qu’elle m’a offerte en acceptant la publication de cet article.

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Ressources :

Qu’est-ce que l’autisme ?, Ministère du travail, de la santé, des solidarités et des familles

Autisme et emploi : État des lieux et perspectives, Rapport de l’AGEFIPH, avril 2023

Chiffres et statistiques, Autisme Info Service

Difficultés d'insertion professionnelle pour les personnes atteintes du syndrome d'Asperger ou de troubles autistiques en France, Sénat, Question écrite n°07938 - 16e législature

Dispositif Autisme et Emploi : Accompagner les personnes autistes dans l’insertion professionnelle, France Travail, 02/04/2021

Trouble du Spectre de l’Autisme : défis de sociabilisation et intérêts spécifiques, épisode du podcast Dingue de la RTS, 3 avril 2023

La Différence invisible, BD de Mademoiselle Caroline et Julie Dachez, Delcourt, 2016

Autisme au féminin : Approches historique et scientifique, regards cliniques, ouvrage d’Adeline Lacroix, UGA Éditions, 2023

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AUTRICE

✒️ “Je m’appelle Léa Chemardin-Liss. J’ai rejoint The Allyance dès sa création, un an et demi après ma rencontre avec Caroline, au concert de ionnalee ! Je suis traductrice et rédactrice de contenu freelance, surtout en langues française et anglaise, mais aussi en espagnol et allemand, que je parle couramment. Du côté militant, j’ai eu de nombreuses occupations bénévoles dans des associations traitant de thématiques sociales et environnementales. Aujourd'hui, je suis plutôt engagée dans la sensibilisation aux handicaps invisibles qui me concernent. Mon but est toujours de mettre l’intersectionnalité et la convergence des luttes au centre, car je suis persuadée que toutes les causes sont interconnectées. Si vous avez besoin de recommandations lecture, je suis la personne à contacter !”